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L’aventure en haute montagne a toujours fait rêver. Conquérir l’Everest, toit du monde, reste l’ultime défi pour nombre d’alpinistes. Mais les temps changent. Face aux drames qui se multiplient et à la dégradation environnementale alarmante, le Népal s’apprête à mettre un terme à l’époque où n’importe qui pouvait tenter sa chance sur ce géant de pierre. Une révolution nécessaire dans le monde de l’alpinisme qui soulève des questions essentielles sur notre rapport à la montagne et aux exploits extrêmes.

L’Everest interdit aux novices : une mesure radicale mais nécessaire

La nouvelle est tombée comme un couperet dans le monde de l’alpinisme. Le parlement népalais examine actuellement un projet de loi qui pourrait transformer définitivement l’accès au mythique sommet. Finie l’époque où l’argent suffisait à ouvrir les portes du toit du monde ! Désormais, les aspirants à l’Everest devront prouver leur légitimité par l’expérience.

Cette mesure radicale répond à une situation devenue intenable. Chaque saison apporte son lot de tragédies évitables, souvent liées à l’inexpérience flagrante de certains grimpeurs. Des touristes fortunés s’offrent l’Everest comme on s’achèterait une montre de luxe, sans préparation adéquate ni compréhension réelle des périls auxquels ils s’exposent.

Le texte exige désormais qu’un candidat à l’ascension ait déjà vaincu un sommet népalais dépassant 7 000 mètres. Une barrière à l’entrée qui devrait écarter les aventuriers du dimanche et limiter considérablement le flux de grimpeurs inexpérimentés qui mettent en danger non seulement leur propre vie, mais aussi celle des sherpas et des autres alpinistes.

Les exigences précises de la nouvelle législation

Pour obtenir le précieux sésame permettant de fouler les pentes de l’Everest, les alpinistes devront désormais:

  • Avoir réussi l’ascension d’un sommet népalais de plus de 7 000 mètres
  • Présenter un certificat médical spécifique délivré par un établissement agréé par l’État népalais
  • S’acquitter des nouveaux frais d’ascension majorés de 36%
  • Être systématiquement accompagnés d’un guide qualifié

Ces exigences forment un filtre drastique qui pourrait réduire significativement le nombre de prétendants. La montagne reprend ses droits, imposant respect et humilité à ceux qui convoitent son sommet.

Un tournant historique pour l’alpinisme sur le toit du monde

L’alpinisme himalayen entre dans une nouvelle ère. Depuis l’ascension historique de Sir Edmund Hillary et du sherpa Tenzing Norgay en 1953, l’Everest a connu une évolution spectaculaire. D’exploit réservé à une poignée de pionniers, il est devenu progressivement un produit de consommation touristique accessible à qui pouvait en payer le prix.

Cette démocratisation pervertie a atteint son paroxysme ces dernières années. Les images choquantes de files d’attente interminables près du sommet, à 8 800 mètres d’altitude, dans la zone mortelle où l’oxygène se raréfie dangereusement, ont fait le tour du monde. Un embouteillage surréaliste et mortel qui dénature complètement l’esprit de l’alpinisme.

La nouvelle législation marque donc un retour aux fondamentaux et restaure une certaine éthique de la montagne. Elle rappelle que l’Everest n’est pas un parc d’attractions mais un environnement extrême qui exige respect, préparation et expérience.

La fin d’une époque controversée

Les années 2010-2020 resteront dans l’histoire comme l’âge d’or du tourisme de masse sur l’Everest. Une période où certaines agences proposaient des formules « clé en main » à des clients fortunés mais souvent dépourvus des compétences techniques et de l’acclimatation nécessaires.

Cette époque a vu son apogée en 2019, lorsque les autorités népalaises ont distribué un nombre record de 381 permis d’ascension, conduisant à des scènes surréalistes de congestion près du sommet. Les conséquences mortelles de cette surfréquentation ont été directes : onze décès cette année-là, dont plusieurs attribués aux longues périodes d’attente dans des conditions extrêmes.

Les raisons impérieuses derrière cette décision gouvernementale

Cette restriction drastique ne sort pas de nulle part. Elle répond à une cascade de problèmes qui n’ont fait que s’amplifier au fil des années. Le premier et le plus tragique reste évidemment le bilan humain désastreux. Chaque année, l’Everest prélève son tribut en vies humaines, et une analyse fine des accidents révèle que beaucoup sont liés à l’inexpérience ou à la méconnaissance des dangers spécifiques de la haute altitude.

L’aspect environnemental pèse également lourd dans la balance. L’Everest, jadis symbole de pureté intouchée, se transforme en la plus haute décharge du monde. Des tonnes de déchets jalonnent les voies d’ascension : bouteilles d’oxygène abandonnées, équipements délaissés, et même des excréments humains qui ne peuvent se décomposer dans ces conditions extrêmes de froid.

La situation sanitaire est devenue si préoccupante que certains alpinistes contractent des maladies liées à la contamination des campements par les déjections humaines. Un sherpa confiait récemment à la BBC : « Nos montagnes commencent à sentir mauvais. On reçoit des plaintes concernant des excréments humains visibles, et certains grimpeurs tombent malades. »

Un équilibre économique et écologique à trouver

La manne financière que représente l’Everest pour le Népal ne peut être négligée. Pays parmi les plus pauvres d’Asie, le Népal tire des revenus considérables de l’alpinisme. Pour la seule année 2023, les permis d’ascension ont rapporté plus de 4 millions de dollars aux caisses de l’État.

L’augmentation récente du prix des permis (de 11 000 à 15 000 dollars) vise à compenser la probable baisse du nombre de candidats. Une manière de préserver les revenus tout en diminuant la pression humaine sur la montagne.

Cette politique plus restrictive reflète aussi une prise de conscience tardive mais salutaire : l’exploitation intensive de l’Everest n’est pas soutenable à long terme. En préservant sa montagne emblématique, le Népal protège aussi sa principale ressource touristique pour les générations futures.