
Le Parc National du Mercantour, écrin naturel niché entre France et Italie, recèle des trésors souvent méconnus. Parmi ces joyaux, la vallée de la Gordolasque s’impose comme une aventure grandiose pour les amateurs de randonnée en quête d’émotions fortes. L’itinéraire reliant le Pont du Countet à la Baisse du Basto cumule 1200 mètres de dénivelé positif et traverse des paysages où la rudesse de la haute montagne se marie à la délicatesse des lacs d’altitude.
Ancienne artère commerciale de la route du sel, ce sentier millénaire nous plonge dans un voyage temporel fascinant, où chaque pierre raconte l’histoire des échanges entre le Piémont italien et le Comté de Nice. Après avoir arpenté nombre de sentiers alpins, je reste convaincu que peu d’itinéraires offrent une telle concentration de splendeurs naturelles. Entre eaux turquoise des lacs d’altitude, cascades tumultueuses et panoramas vertigineux, cette randonnée stimule tous les sens. L’effort physique conséquent qu’elle demande se voit récompensé au centuple par la beauté brute des paysages traversés. Alors, lacez fermement vos chaussures et préparez-vous à découvrir l’un des plus beaux parcours des Alpes du Sud.
Du Pont du Countet au Mur des Italiens : les premiers pas dans l’aventure

L’aventure débute au parking du Pont du Countet, situé à 1692 mètres d’altitude. Dès les premiers mètres, le ton est donné : le sentier longe la rive gauche du torrent de la Gordolasque, dont le grondement puissant accompagne les marcheurs. Cette symphonie naturelle crée une ambiance singulière, comme pour rappeler que nous pénétrons dans un territoire où la nature dicte ses règles.
La progression initiale vers le Mur des Italiens
Le chemin s’élève progressivement à travers une mosaïque de paysages. Les sous-bois ombragés offrent une fraîcheur bienvenue lors des chaudes journées d’été, tandis que les clairières ensoleillées dévoilent de premiers aperçus sur les sommets environnants. Après environ 800 mètres de marche, un abri de pierre se présente comme un repère visuel et une première halte potentielle. Les jambes s’échauffent doucement, préparant l’organisme aux efforts plus conséquents à venir.
Le Mur des Italiens : témoin silencieux de l’histoire
À 2,5 kilomètres du point de départ se dresse l’impressionnant Mur des Italiens. Ce vestige d’un ancien péage sur la route du sel constitue un véritable livre d’histoire à ciel ouvert.
Chaque pierre évoque les échanges commerciaux qui ont animé ces montagnes pendant des siècles. Les marchands, sel sur le dos et regard tourné vers l’horizon, acquittaient ici leur droit de passage entre deux mondes. L’endroit forme également un balcon naturel offrant une vue saisissante sur la vallée en contrebas. Prendre quelques minutes pour contempler ce panorama permet de réaliser le chemin déjà parcouru et d’observer le tracé qui serpente plus haut. Les photographes apprécieront particulièrement la lumière matinale qui sublime les reliefs et crée des jeux d’ombres fascinants sur les parois rocheuses.
La cascade de l’Estrech : un spectacle aquatique éblouissant
En poursuivant l’ascension, le randonneur atteint la balise 413 après 3,7 kilomètres de marche. Ce point marque l’accès à l’un des temps forts du parcours : la majestueuse cascade de l’Estrech. Un court aller-retour de 200 mètres conduit à ce spectacle naturel époustouflant dont l’intensité varie au fil des saisons.
Une chute d’eau métamorphique selon les saisons
Au printemps, lorsque la fonte des neiges bat son plein, la cascade déploie toute sa puissance. Le tonnerre assourdissant des eaux qui se fracassent sur les rochers crée une ambiance presque mystique. La force brute de l’élément liquide hypnotise et rappelle la puissance des forces naturelles à l’œuvre dans ce massif. En été, le débit s’apaise, laissant place à un voile d’eau plus délicat qui danse gracieusement sur la roche polie par des millénaires d’érosion. Cette métamorphose saisonnière fait de chaque visite une expérience unique. La fraîcheur dégagée par la chute d’eau offre un moment de répit bienvenu, particulièrement appréciable lors des chaudes journées estivales. L’atmosphère chargée d’humidité crée souvent des arcs-en-ciel éphémères lorsque les rayons du soleil traversent la brume d’eau – un moment magique à capturer en photo.
Un carrefour stratégique vers la Vallée des Merveilles
Ce point marque également une bifurcation importante dans l’itinéraire. Tandis que le sentier principal continue vers le lac Autier, un embranchement permet de rejoindre la fascinante Vallée des Merveilles, sanctuaire de l’art rupestre alpin. Les randonneurs disposant de plusieurs jours peuvent envisager cette extension culturelle exceptionnelle, mais ceux visant à compléter le circuit de la Gordolasque devront rester concentrés sur l’objectif et poursuivre leur montée.
Le vallon de l’Autier : quand la pente s’accentue sérieusement

Après avoir dépassé la balise 414, le sentier s’engage résolument dans le vallon de l’Autier. Ici, le parcours change radicalement de caractère. La pente devient significativement plus raide et le terrain plus technique, exigeant une attention constante et une bonne condition physique. Les 2,5 kilomètres suivants mettent à l’épreuve les muscles des jambes et la détermination du randonneur.
Un terrain exigeant et technique
Le sol alterne entre dalles rocheuses parfois glissantes et zones d’éboulis instables. Les bâtons de marche deviennent des alliés précieux, tant pour maintenir l’équilibre que pour soulager les articulations mises à rude épreuve. La progression devient plus lente, plus mesurée, chaque pas demandant une attention particulière. Cette section technique rappelle que la haute montagne reste un environnement qui commande le respect et la prudence.
Une transformation progressive du paysage végétal
À mesure que l’altitude augmente, la végétation se transforme radicalement. Les arbres se font plus rares, plus tourmentés aussi, sculptés par les vents et les hivers rigoureux. La flore alpine, plus discrète mais d’une incroyable richesse, s’épanouit entre les pierres. L’œil attentif pourra repérer l’edelweiss emblématique ou la délicate gentiane de Koch, véritables joyaux botaniques de ces hauteurs. Ce changement d’ambiance marque l’entrée dans l’étage alpin, domaine des pierres et du silence. Le silence, justement, constitue une expérience à part entière. Seul le sifflement occasionnel des marmottes vient troubler cette quiétude. Ces petits mammifères, sentinelles alertes des prairies d’altitude, préviennent leurs congénères de notre présence bien avant que nous puissions les apercevoir. Patience et discrétion permettront peut-être d’observer ces charmants habitants dans leur environnement naturel.
Le lac Autier : une récompense turquoise après l’effort

Après 6,5 kilomètres d’ascension soutenue, l’apparition du lac Autier à 2275 mètres d’altitude provoque invariablement un moment d’émerveillement. Ce joyau turquoise serti dans un écrin minéral offre un contraste saisissant avec la rudesse du parcours. Sa beauté cristalline, reflétant les sommets environnants, compose un tableau naturel qui justifie à lui seul tous les efforts consentis jusqu’alors.
Une halte idéale pour reprendre des forces
Les abords du lac présentent heureusement quelques replats herbeux, véritables havres de paix où le randonneur peut enfin poser son sac et s’installer confortablement. C’est l’endroit parfait pour un pique-nique bien mérité, les pieds presque dans l’eau, le regard perdu dans l’azur du ciel se reflétant à la surface calme. Les plus courageux pourront même tremper leurs pieds endoloris dans l’eau glacée – expérience revigorante garantie ! Cette pause permet également d’observer la faune locale. Les bouquetins et chamois, seigneurs incontestés de ces hauteurs, s’aventurent parfois jusqu’aux rives pour s’abreuver. Leur agilité sur les pentes escarpées force l’admiration. Munissez-vous de jumelles pour ne rien manquer de leurs évolutions gracieuses sur les parois rocheuses environnantes.
Un moment de contemplation intemporel
Beaucoup décrivent le lac Autier comme « notre petit Canada alpin ». Lorsque l’air est parfaitement calme et que le soleil atteint son zénith, la surface de l’eau se transforme en miroir géant reflétant fidèlement montagnes et nuages. Cette symétrie parfaite entre ciel et terre crée un sentiment d’infini vertigineux. L’émotion ressentie face à ce spectacle explique pourquoi certains randonneurs versent quelques larmes en découvrant cette merveille naturelle. C’est la magie ineffable de la Gordolasque qui opère.
Du lac Autier au refuge de Nice : progression en haute montagne

Pour les randonneurs engagés dans le circuit complet, l’aventure se poursuit au-delà du lac Autier en direction du refuge de Nice, situé à 2232 mètres d’altitude. Sur environ 2 kilomètres, le sentier alterne entre sections abruptes et traversées plus clémentes, exigeant une attention constante notamment sur les passages exposés où le vide devient palpable.
Un cheminement technique vers le refuge
Cette portion d’itinéraire présente un caractère plus alpin. Les passages rocheux se multiplient, nécessitant parfois l’usage des mains pour progresser en toute sécurité. La vigilance reste de mise, particulièrement lors de conditions humides où la roche peut devenir traîtresse. Le balisage, bien que présent, demande une observation attentive dans certaines sections où le sentier semble se fondre dans la minéralité environnante. Les panoramas s’élargissent à mesure que l’altitude augmente. Chaque pause offre l’occasion d’embrasser du regard les sommets environnants et de mesurer le chemin parcouru depuis la vallée. Ces instants contemplatifs justifient pleinement l’effort fourni et nourrissent la motivation pour la suite du parcours.
Le refuge de Nice : une sentinelle accueillante en territoire minéral
L’apparition du refuge de Nice marque une étape significative dans cette odyssée alpine. Cette structure robuste, rénovée en 2019, se dresse telle une sentinelle bienveillante au milieu d’un univers dominé par la pierre. Ses 70 places en font un lieu d’hébergement privilégié pour les randonneurs souhaitant fractionner leur parcours sur deux jours – option judicieuse pour profiter pleinement des beautés de la haute Gordolasque. L’architecture moderne du refuge intègre de larges baies vitrées offrant une vue imprenable sur le lac de la Fous en contrebas. Ces ouvertures créent une connexion permanente avec l’environnement extérieur, même lorsqu’on se trouve à l’abri. Les soirées passées dans ce nid d’aigle comptent souvent parmi les souvenirs les plus marquants des randonneurs, entre convivialité partagée et contemplation silencieuse des dernières lueurs du jour caressant les sommets.
L’ascension finale : la conquête de la Baisse du Basto
Les 2,5 derniers kilomètres menant à la Baisse du Basto, point culminant du circuit à 2693 mètres d’altitude, représentent l’ultime défi de ce parcours exigeant. Sur cette section, le sentier devient parfois à peine perceptible, se faufilant entre blocs rocheux et pierriers. L’air, plus raréfié à cette altitude, transforme chaque pas en un effort conséquent, testant la détermination du randonneur.
Le souffle court vers les cimes
La progression s’effectue inexorablement vers le ciel, dans un univers minéral où la vie semble suspendue. Les dernières touffes d’herbe cèdent la place à la roche nue, témoignant de conditions climatiques extrêmes. L’effort physique s’intensifie, amplifié par l’altitude. Le souffle se fait plus court, le cœur bat plus fort, rappelant les limites du corps humain confronté à la grandeur des montagnes. Cette sensation d’effort absolu forge des souvenirs indélébiles et procure une satisfaction unique lorsque le but est enfin atteint.
Le sommet
Parvenir à la Baisse du Basto, c’est accéder à un balcon privilégié sur l’une des plus belles vues des Alpes du Sud. Le panorama circulaire embrasse un horizon vertigineux : par temps clair, le regard porte au sud jusqu’à la Méditerranée scintillante, tandis qu’à l’est se déploient les sommets italiens. Cette perspective aérienne permet d’embrasser d’un seul coup d’œil l’intégralité du parcours effectué, depuis la vallée verdoyante jusqu’aux pics acérés qui nous entourent désormais. Ce moment de contemplation absolue justifie tous les efforts consentis. L’immensité du paysage confrontée à notre propre finitude crée un sentiment d’humilité profonde face à la grandeur naturelle. Le temps semble s’arrêter dans ces instants privilégiés où l’on se sent littéralement sur le toit du monde.
La descente : technique et vigilance requises
Si l’ascension mobilise principalement le souffle et l’endurance, la descente sollicite différemment le corps. Moins exigeante sur le plan cardiovasculaire, elle requiert néanmoins une concentration constante pour éviter les chutes sur un terrain instable. Les genoux et les chevilles sont particulièrement sollicités, d’où l’importance des bâtons de marche pour amortir les impacts. La prudence reste le maître-mot, d’autant que la fatigue accumulée peut altérer les réflexes et la coordination.