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La chaîne pyrénéenne regorge de trésors naturels qui font le bonheur des randonneurs et des photographes. Parmi ces joyaux, les lacs d’altitude tiennent une place privilégiée dans le cœur des amoureux de la montagne. Véritables miroirs célestes nichés entre les sommets, ces écosystèmes fragiles dévoilent une palette de bleus saisissante qui varie selon la lumière, la profondeur et la composition minérale de leurs eaux. 

Après des centaines de randonnées à travers ce massif franco-espagnol, j’ai sélectionné pour vous huit merveilles lacustres qui méritent amplement le détour. Chaussez vos bottines, ajustez votre sac à dos et suivez-moi dans cette exploration des plus beaux lacs pyrénéens, là où la nature s’est surpassée en créant des tableaux que même le plus talentueux des peintres peinerait à reproduire.

Le lac d’Oô: un écrin turquoise dominé par sa cascade magistrale

Niché à 1507 mètres d’altitude dans la vallée du Larboust en Haute-Garonne, le lac d’Oô représente sans conteste l’une des plus spectaculaires merveilles naturelles des Pyrénées centrales. Mon premier contact avec ce joyau remonte à quinze ans déjà, pourtant l’émotion reste intacte à chaque visite. 

La teinte turquoise ensorcelante de ses eaux contraste violemment avec le gris austère des falaises qui l’entourent, créant un tableau d’une beauté presque irréelle. L’élément qui distingue fondamentalement ce lac de ses cousins pyrénéens? 

Sa cascade vertigineuse de 275 mètres qui alimente constamment l’étendue d’eau. Cette chute impressionnante, visible depuis presque tous les angles du lac, confère au site une atmosphère mystique, particulièrement au printemps quand la fonte des neiges décuple son débit. Durant les matinées calmes, le miroir parfait formé par la surface du lac reflète les sommets environnants avec une fidélité déroutante. L’accès au lac d’Oô figure parmi les randonnées les plus accessibles de notre sélection. Depuis le village des Granges d’Astau, comptez environ 1h30 de marche sur un sentier bien balisé avec 200 mètres de dénivelé positif. Cette facilité relative explique malheureusement sa fréquentation estivale considérable – un conseil d’initié: privilégiez une visite en semaine ou hors saison pour savourer pleinement la magie du lieu. Pour les marcheurs aguerris, le lac d’Oô n’est que le prélude d’une aventure plus ambitieuse vers les lacs d’Espingo et du Portillon. Cette progression en altitude dévoile des panoramas toujours plus saisissants sur la chaîne frontalière. L’immensité minérale qui entoure ces étendues d’eau crée un sentiment d’isolement primitif, comme si la civilisation n’était qu’un concept lointain et abstrait.

Le duo enchanteur des lacs d’Aubert et d’Aumar dans le Néouvielle

La réserve naturelle du Néouvielle abrite un couple lacustre qui ravit systématiquement les visiteurs: les lacs d’Aubert et d’Aumar. Ces deux joyaux voisins, situés respectivement à 2150 et 2192 mètres d’altitude, illustrent parfaitement la diversité des ambiances que peuvent offrir les lacs d’altitude pyrénéens. Leur proximité géographique contraste avec leurs personnalités distinctes – une dualité fascinante que j’ai toujours plaisir à redécouvrir au fil des saisons. Le lac d’Aumar, plus allongé et moins profond, dévoile des nuances aigue-marine hypnotiques qui varient selon l’ensoleillement. Ses rives douces, parfois sablonneuses, accueillent une végétation alpine surprenante qui descend jusqu’à l’eau. Les pins à crochets centenaires qui résistent vaillamment aux conditions extrêmes d’altitude forment un cadre végétal unique dans les Pyrénées. 

Ces arbres torturés par les éléments racontent silencieusement l’histoire millénaire du massif. Son voisin, le lac d’Aubert, présente un caractère plus sauvage et minéral. Ses berges escarpées et sa profondeur plus importante lui confèrent des teintes bleu cobalt intense qui contrastent avec les sommets granitiques qui le surplombent. L’absence relative de végétation sur ses rives accentue l’impression d’hostilité sublime que dégage ce paysage façonné par les glaciers quaternaires. L’accès à ces deux merveilles naturelles s’effectue généralement depuis le parking du lac d’Orédon, via un sentier bien entretenu qui serpente à travers les pins à crochets avant de s’élever progressivement vers ces écrins d’altitude. La particularité du Néouvielle réside dans cette forêt qui prospère à des altitudes inhabituelles pour les Pyrénées, créant une transition végétale fascinante entre le monde lacustre minéral et les vallées boisées en contrebas. Photographes, prenez note: la lumière matinale transforme radicalement l’apparence de ces lacs jumeaux. Avant 10 heures, quand l’air limpide d’altitude et l’absence de vent créent des conditions optimales, les reflets des pics environnants se dédoublent avec une précision hallucinante sur la surface des eaux. Ces moments éphémères justifient amplement un départ aux aurores ou même une nuit en refuge pour les passionnés.

Le majestueux lac de Gaube sous l’ombre protectrice du Vignemale

À chaque visite au lac de Gaube, l’émotion reste intacte devant ce tableau montagnard d’une harmonie parfaite. Niché à 1725 mètres d’altitude dans la vallée de Cauterets, ce joyau aquatique compose avec le Vignemale – point culminant des Pyrénées françaises à 3298 mètres – un duo iconique qui symbolise à lui seul la grandeur de ce massif transfrontalier. La première fois que j’ai contemplé cette scène, j’ai compris pourquoi tant d’artistes romantiques du XIXe siècle avaient succombé au charme de ces lieux. L’originalité du lac de Gaube tient dans son bleu laiteux caractéristique, résultat de la fine suspension minérale provenant des glaciers environnants. Cette coloration singulière varie subtilement au fil des heures et des saisons, offrant un spectacle perpétuellement renouvelé. Par temps clair, le reflet parfait du Vignemale sur la surface du lac crée une symétrie saisissante entre ciel et terre, entre monde minéral et aquatique. L’accès au lac s’effectue depuis le Pont d’Espagne, haut lieu touristique de la vallée de Cauterets. 

Deux options s’offrent aux visiteurs: emprunter le télésiège qui raccourcit considérablement le trajet ou s’offrir une randonnée d’approche d’environ une heure sur un sentier bien aménagé qui longe le tumultueux gave du Marcadau. Cette seconde option, que je recommande vivement, permet de s’imprégner progressivement de l’ambiance montagnarde et d’apprécier pleinement la transition entre la forêt dense et le milieu plus ouvert qui accueille le lac. L’histoire humaine enrichit considérablement l’aura de ce lieu. Le petit hôtel historique qui trône sur sa rive nord témoigne de l’époque où le pyrénéisme naissant attirait les premiers touristes aventuriers. C’est d’ailleurs depuis ces rives que de nombreuses premières ascensions du Vignemale furent tentées, notamment par le comte Henry Russell, figure légendaire de l’exploration pyrénéenne. Ce passionné fit même creuser plusieurs grottes dans les flancs du géant pour y passer des nuits entières à contempler « son » royaume montagnard. Pour les randonneurs expérimentés, le lac de Gaube n’est qu’une étape vers des merveilles plus difficiles d’accès, comme le refuge des Oulettes et le spectaculaire glacier du Vignemale – l’un des derniers véritables glaciers pyrénéens, bien que douloureusement diminué par le réchauffement climatique. Cette progression en altitude dévoile des panoramas vertigineux sur l’ensemble du massif, justifiant amplement l’effort physique consenti.

Les étangs de Bassiès: l’archipel sauvage de l’Ariège

Moins connus du grand public que leurs homologues des Hautes-Pyrénées, les étangs de Bassiès constituent pourtant l’un des ensembles lacustres les plus remarquables de toute la chaîne. Dissimulés au cœur du département de l’Ariège, ces joyaux d’altitude dévoilent une ambiance sauvage et préservée qui séduit immédiatement les amateurs d’espaces authentiques. Ma découverte de ce coin reculé remonte à une décennie et depuis, j’y retourne régulièrement, attiré par cette sensation unique d’immersion dans une nature presque vierge. 

Ce qui distingue fondamentalement Bassiès des autres sites lacustres pyrénéens? La configuration archipelique unique de ses étangs qui parsèment un plateau d’altitude comme autant de miroirs célestes dispersés entre prairies alpines et affleurements granitiques.

L’étang principal, le Grand Bassiès, étire sa silhouette allongée sur près d’un kilomètre, tandis que ses satellites – le Petit Bassiès et une myriade de petites cuvettes lacustres – complètent ce paysage aquatique fragmenté. L’accès à ce sanctuaire naturel nécessite un engagement physique certain. Depuis le hameau d’Auzat dans la vallée du Vicdessos, comptez environ 2h30 de montée soutenue pour atteindre les premiers étangs. L’effort s’avère toutefois généreusement récompensé dès les premières visions de ces eaux cristallines. Le sentier, bien qu’exigeant, traverse successivement différents étages de végétation, offrant une véritable leçon d’écologie montagnarde en mouvement. La particularité de Bassiès réside aussi dans ses ambiances fluctuantes. Selon les caprices météorologiques, le site peut basculer en quelques minutes d’une douceur bucolique à une austérité minérale saisissante. Par temps calme, la perfection des reflets sur l’eau immobile atteint des sommets artistiques que les photographes s’empressent d’immortaliser.

Les sommets environnants – notamment le pic des Trois Seigneurs – se mirent alors dans les eaux avec une fidélité confondante. La présence du refuge de Bassiès, modeste mais accueillant, permet aux randonneurs d’envisager une immersion prolongée dans cet environnement exceptionnel. Passer une nuit sur place offre l’opportunité rare d’observer les étangs sous des lumières changeantes, du doré des fins d’après-midi aux teintes bleutées de l’aube. Les plus matinaux seront parfois récompensés par des nappes de brume qui flottent délicatement à la surface de l’eau, créant une atmosphère presque surnaturelle. Pour les marcheurs aguerris, Bassiès sert également de point de départ vers d’autres merveilles lacustres plus confidentielles comme l’étang du Picot ou celui d’Alate. Ces extensions d’itinéraire, plus techniques et sauvages, garantissent une solitude contemplative que les sites plus accessibles ne peuvent plus offrir en pleine saison estivale.

Le lac d’Artouste: splendeur alpine accessible par le train d’altitude

Perché à 1997 mètres dans le massif ossalois, le lac d’Artouste combine caractère sauvage et accessibilité grâce à son célèbre petit train touristique – le plus haut d’Europe. Cette dualité en fait une destination particulièrement intéressante pour les amateurs de paysages alpins spectaculaires qui ne souhaitent pas nécessairement s’engager dans de longues randonnées d’approche. Ma première rencontre avec ce site remonte à mes années d’adolescence, et chaque retour me confirme son statut particulier dans le panthéon des lacs pyrénéens. L’origine artificielle d’Artouste – un barrage hydroélectrique construit dans les années 1920 – ne diminue en rien sa beauté saisissante. Au contraire, la forme allongée de cette retenue épouse parfaitement les contours naturels de l’ancien vallon glaciaire, créant une intégration paysagère remarquable. Les eaux profondes du lac oscillent entre bleu cobalt et turquoise selon l’angle d’observation et les conditions lumineuses, formant un contraste saisissant avec les parois rocheuses abruptes qui l’encadrent. 

L’originalité d’Artouste réside indubitablement dans son mode d’accès. Le petit train éponyme, initialement conçu pour les besoins du chantier du barrage, s’est transformé en attraction touristique majeure sans rien perdre de son charme désuet. Sur une dizaine de kilomètres, les wagonnets colorés serpentent à flanc de montagne, offrant des panoramas vertigineux sur la vallée d’Ossau et les sommets environnants. Cette approche progressive du lac, ponctuée de tunnels et de passages spectaculaires, constitue déjà une expérience mémorable en soi. Une fois arrivé à la gare terminus, un court sentier mène aux rives du lac où la majesté du cirque montagneux se révèle pleinement. Les sommets qui ceignent l’étendue d’eau – notamment le pic d’Arriel (2824m) – composent un amphithéâtre minéral impressionnant qui accentue la sensation d’isolement. Par journée claire, la qualité exceptionnelle de l’air d’altitude confère aux paysages une netteté presque irréelle, faisant ressortir chaque détail des parois rocheuses environnantes. Pour les marcheurs motivés, le tour complet du lac offre des perspectives constamment renouvelées sur ce joyau aquatique. Ce parcours d’environ 3 heures permet d’apprécier pleinement les variations d’ambiance selon l’exposition et l’heure de la journée. Les photographes apprécieront particulièrement les fins d’après-midi, quand les rayons rasants du soleil illuminent latéralement les crêtes et se reflètent dans les eaux calmes du lac. Au-delà de la simple contemplation, Artouste sert également de point de départ pour des randonnées plus ambitieuses vers d’autres merveilles lacustres du secteur, comme les lacs d’Arrémoulit nichés dans leur cirque granitique ou le sauvage lac du Palas. Ces extensions d’itinéraire, réservées aux randonneurs expérimentés, permettent d’échapper à la relative affluence des abords immédiats du lac principal pendant la haute saison touristique.

Le lac de Bious-Artigues: le miroir parfait du pic du Midi d’Ossau

Parmi tous les lacs pyrénéens, Bious-Artigues occupe une place particulière dans mon cœur de randonneur. 

Non pas qu’il soit le plus grandiose ou le plus sauvage, mais parce qu’il compose avec le pic du Midi d’Ossau l’une des cartes postales les plus emblématiques de tout le massif. Cette pyramide bicéphale de 2884 mètres, reconnaissable entre mille, se reflète majestueusement dans les eaux calmes du lac, créant un tableau naturel d’une harmonie parfaite que j’ai contemplé des dizaines de fois sans jamais m’en lasser. Situé à 1422 mètres d’altitude dans la vallée d’Ossau, ce lac-barrage bénéficie d’une accessibilité exceptionnelle qui en fait un point de départ privilégié pour de nombreuses randonnées. Une route forestière permet d’atteindre directement ses rives, offrant ainsi cette rareté dans les Pyrénées: un lac d’altitude que l’on peut découvrir sans effort physique préalable. Cette facilité d’accès ne diminue en rien la qualité de l’expérience – au contraire, elle démocratise l’accès à un spectacle naturel d’exception. La magie de Bious-Artigues opère pleinement aux premières heures du jour, quand l’absence de vent crée un miroir liquide parfait qui dédouble la silhouette caractéristique du pic du Midi d’Ossau. 

Ce géant volcanique, vestige d’une activité éruptive ancienne, domine l’ensemble du paysage de sa présence imposante. Sa forme distinctive, qui évoque vaguement une dent molaire vue de profil, constitue un repère visuel immanquable qui a inspiré d’innombrables artistes et photographes. Au-delà de sa fonction de faire-valoir pour le célèbre pic, Bious-Artigues possède ses charmes propres. Ses rives accessibles alternent entre plages herbeuses accueillantes et coins plus sauvages où la forêt vient lécher l’eau. Le tour complet du lac, réalisable en moins d’une heure sur un sentier sans difficulté, permet d’apprécier ces variations d’ambiance et d’observer la faune avicole qui fréquente régulièrement le site. Pour les randonneurs plus ambitieux, Bious-Artigues constitue le point de départ idéal vers d’autres merveilles naturelles de la vallée. Le refuge de Pombie, les lacs d’Ayous ou l’ascension du pic du Midi d’Ossau lui-même pour les plus aguerris figurent parmi les extensions possibles qui transforment la simple visite en véritable aventure pyrénéenne. Ces itinéraires plus engagés révèlent progressivement des panoramas alpins grandioses qui justifient amplement l’effort physique consenti. La popularité du site entraîne inévitablement une fréquentation importante durant la période estivale. Pour savourer pleinement la magie des lieux, je recommande vivement une visite matinale, idéalement en semaine et hors vacances scolaires. Ces moments privilégiés offrent une communion plus intime avec ce paysage d’exception, quand le silence n’est troublé que par le clapotis discret de l’eau sur les rives et le chant des oiseaux montagnards.

Le mystérieux lac du Portillon: joyau glaciaire de la haute montagne

Dans l’univers des lacs pyrénéens, le Portillon incarne à lui seul l’essence de la haute montagne dans sa dimension la plus brute et la plus impressionnante. Perché à 2572 mètres d’altitude dans le massif de Luchon, ce joyau d’origine glaciaire trône au cœur d’un environnement minéral où la roche nue domine largement le paysage. Ma première rencontre avec ce lac d’exception remonte à une randonnée estivale particulièrement exigeante, et l’image de ses eaux sombres cerclées de parois abruptes reste gravée dans ma mémoire comme l’archétype même du lac d’altitude sauvage. 

La singularité du Portillon réside dans sa coloration d’un bleu profond presque noir qui contraste violemment avec la clarté habituelle des lacs pyrénéens. Cette teinte particulière, renforcée par la profondeur importante de la cuvette lacustre, crée une atmosphère mystérieuse, presque inquiétante par moments. Quand les nuages d’altitude se reflètent sur cette surface sombre, le spectacle prend une dimension quasi mystique qui évoque davantage les paysages scandinaves que les Pyrénées traditionnelles. L’accès au lac du Portillon exige un engagement physique conséquent qui explique en partie sa préservation relative. Depuis le lac d’Oô mentionné précédemment, comptez environ 3h30 de montée soutenue via le refuge d’Espingo pour atteindre ce sanctuaire d’altitude. Cette approche progressive permet d’apprécier pleinement la transition entre les étages montagnards: forêt dense, puis pelouses alpines, et enfin univers exclusivement minéral où la vie se fait discrète, réduite à quelques espèces parfaitement adaptées aux conditions extrêmes. Le cadre géologique qui entoure le lac constitue un manuel d’histoire naturelle à ciel ouvert. 

Les sommets environnants – notamment le pic du Portillon (3050m) et les crêtes de Litérole – portent les cicatrices évidentes du travail glaciaire qui a façonné l’ensemble du paysage depuis des millénaires. Les moraines, les verrous rocheux et les cirques parfaitement dessinés racontent l’épopée des glaces qui ont sculpté ces reliefs avec une patience infinie. Pour les photographes passionnés, le lac du Portillon représente un défi technique intéressant en raison des contrastes extrêmes entre ses eaux sombres et les parois rocheuses environnantes souvent vivement éclairées. Les lumières rasantes du matin et du soir offrent les opportunités les plus spectaculaires, notamment quand les premiers ou derniers rayons embrasent les crêtes alors que le lac demeure dans la pénombre, créant une dramatisation naturelle de la scène. La présence du barrage hydroélectrique, discrètement intégré dans ce paysage primordial, rappelle l’ingéniosité humaine sans dénaturer l’ambiance générale. Cette infrastructure, construite dans des conditions extrêmes au milieu du siècle dernier, témoigne de l’histoire industrielle méconnue des Pyrénées, où l’hydroélectricité a constitué un moteur de développement essentiel pour les vallées isolées. Pour les randonneurs aguerris en quête d’expériences fortes, le Portillon peut s’intégrer dans une traversée plus ambitieuse incluant d’autres lacs d’altitude comme le lac Glacé ou le lac du Caillaouas. Ces itinéraires, qui nécessitent souvent une nuit en refuge, offrent une immersion profonde dans l’univers de la haute montagne pyrénéenne, loin des sentiers plus fréquentés.

Le lac des Bouillouses: grand horizon lacustre des Pyrénées-Orientales

Aux confins orientaux de la chaîne pyrénéenne, le lac des Bouillouses déploie sa vaste étendue d’eau à 2016 mètres d’altitude dans un cadre naturel exceptionnellement ouvert qui contraste avec les cirques plus resserrés des Pyrénées centrales. Ma découverte de ce site emblématique du département des Pyrénées-Orientales remonte à mes premières explorations de la partie méditerranéenne du massif, et chaque retour me confirme son statut particulier dans le panorama lacustre pyrénéen. Avec ses 149 hectares, ce lac-barrage constitue l’une des plus grandes surfaces d’eau d’altitude de toute la chaîne. Cette ampleur inhabituelle génère une sensation d’espace et de liberté saisissante, particulièrement lorsque l’on parcourt ses rives étendues. Les vastes horizons qui s’ouvrent depuis ses berges permettent d’embrasser du regard une portion considérable du massif du Carlit, dont le point culminant (2921m) constitue le repère visuel dominant dans ce paysage aux lignes épurées. Contrairement à la plupart des lacs pyrénéens, nichés au creux de vallées encaissées, les Bouillouses bénéficient d’un ensoleillement généreux qui confère à ses eaux des scintillements argentés caractéristiques, particulièrement saisissants en milieu de journée. 

Cette luminosité exceptionnelle, combinée à l’air sec et limpide des Pyrénées catalanes, crée des conditions photographiques idéales qui expliquent la popularité du site auprès des chasseurs d’images. L’accès aux Bouillouses présente la particularité d’être strictement réglementé en haute saison touristique. De juillet à septembre, la route d’accès est fermée aux véhicules particuliers entre 7h et 19h, une navette assurant la liaison depuis les parkings inférieurs. Cette contrainte, parfois perçue comme un désagrément, constitue en réalité une bénédiction pour la préservation du site et la qualité de l’expérience des visiteurs. Les plus motivés apprécieront d’ailleurs la possibilité d’accéder tôt le matin ou en soirée avec leur véhicule, profitant ainsi des lumières les plus magiques. 

Au-delà de sa fonction de réservoir hydroélectrique et touristique, le lac des Bouillouses sert de point de départ idéal vers d’autres merveilles naturelles moins accessibles. La boucle des « douze lacs » du Carlit représente l’un des itinéraires de randonnée les plus emblématiques du secteur, dévoilant une succession de petites perles d’eau enchâssées dans un environnement minéral progressivement plus austère à mesure que l’on s’élève. Cette diversité aquatique concentrée sur un territoire relativement restreint constitue une spécificité remarquable des Pyrénées-Orientales. La flore environnante mérite également une attention particulière. Contrairement aux abords plus rocheux des lacs d’altitude dans les Pyrénées centrales, les Bouillouses s’ornent de vastes étendues de rhododendrons qui transforment les pentes alentour en tapis rose flamboyant durant la floraison de juin-juillet. Cette explosion de couleur, associée au bleu profond du lac et au vert tendre des pins à crochets, compose un tableau chromatique d’une harmonie parfaite qui reste gravé dans la mémoire des visiteurs. L’histoire du site ajoute une dimension culturelle à l’expérience. Construit entre 1904 et 1910 pour alimenter le « Train Jaune » – ligne ferroviaire emblématique de Cerdagne – le barrage témoigne de l’épopée industrielle qui a transformé ces hautes vallées au début du XXe siècle. Les bâtiments d’époque conservés sur les rives racontent cette aventure humaine en altitude qui a précédé la vocation touristique actuelle.