
Le Tour du Mont-Blanc, affectueusement surnommé TMB par les connaisseurs, figure parmi les randonnées les plus emblématiques d’Europe. Cette boucle majestueuse de près de 170 kilomètres autour du massif du Mont-Blanc traverse trois pays – France, Italie et Suisse – et dévoile des paysages alpins d’une beauté saisissante. Traditionnellement, les randonneurs bouclent ce tour en 7 à 11 jours. Mais pour les âmes sportives, les emplois du temps chargés ou simplement les amateurs de défis, la version condensée en 5 jours représente une alternative exaltante. Ce format raccourci exige une excellente condition physique et une préparation minutieuse, mais offre en contrepartie une immersion intense dans ce que les Alpes ont de plus spectaculaire à offrir. Ma première rencontre avec le TMB remonte à l’été 2023. J’avais peu de jours de congés mais une soif d’aventure débordante. Ce format court m’a permis de vivre une expérience transformative sans sacrifier trop de temps. Les journées furent longues et éprouvantes, mais chaque panorama, chaque col franchi, chaque soir tombant sur les sommets enneigés valait amplement l’effort consenti. La période idéale pour se lancer dans cette aventure s’étend de mi-juin à mi-septembre. Personnellement, j’ai opté pour la première quinzaine de juillet, compromis parfait entre l’assurance de sentiers déneigés et l’évitement du pic touristique d’août. Les refuges sont moins bondés, les températures agréables sans être caniculaires, et la flore alpine explose de mille couleurs.
Jour | Étape | Distance | Dénivelé positif | Dénivelé négatif | Points clés |
---|---|---|---|---|---|
1 | Les Houches – Les Contamines | 20 km | 1200 m | 800 m | Col de Voza, Notre-Dame de la Gorge, Refuge de Nant Borrant |
2 | Les Contamines – Courmayeur | 30 km | 1500 m | 1700 m | Col du Bonhomme (2329m), Croix du Bonhomme (2483m), Col de la Seigne (2516m), Val Veny |
3 | Courmayeur – La Fouly | 25 km | 1100 m | 900 m | Val Ferret italien, Grand Col Ferret (2537m), entrée en Suisse |
4 | La Fouly – Trient/Champex | 25 km | 800 m | 900 m | Villages valaisans, Champex-Lac, Alpage de Bovine (1987m) |
5 | Trient/Champex – Chamonix | 25 km | 1000 m | 1500 m | Col de Balme (2191m), retour en France, Argentière, arrivée à Chamonix |
Total | 125 km | 5600 m | 5800 m |
Préparation et logistique pour un TMB réussi
Condition physique et entraînement spécifique
Ne nous voilons pas la face : condenser le Tour du Mont-Blanc en 5 jours relève du défi sportif conséquent. Cette version express implique des étapes quotidiennes de 25 à 30 kilomètres avec des dénivelés positifs oscillant entre 1000 et 1500 mètres. L’entraînement préalable s’avère donc absolument crucial.
Trois mois avant mon départ, j’ai progressivement intensifié mes sorties hebdomadaires. Deux randonnées de difficulté croissante chaque week-end, complétées par des séances de renforcement musculaire ciblant particulièrement les quadriceps et les mollets. Les escaliers devinrent mes meilleurs ennemis ! Montées, descentes, avec puis sans charge… Cette préparation minutieuse a considérablement facilité mon périple.
La capacité à enchaîner les efforts constitue la clé. Un conseil fondamental : programmez plusieurs randonnées consécutives durant votre préparation pour habituer votre corps à récupérer rapidement. Mon week-end test de trois jours dans le Vercors, avec 15km et 800m de dénivelé quotidiens, m’a donné confiance et permis d’ajuster mon équipement.
Équipement essentiel : le minimalisme efficace
Sur ce format concentré, chaque gramme compte. L’erreur classique consiste à surcharger son sac à dos. Après plusieurs randonnées longues, j’ai affiné ma liste au strict nécessaire :
- Un sac à dos de 30-35 litres maximum
- Deux ensembles de vêtements techniques (un porté, un de rechange)
- Une veste imperméable respirante légère
- Une couche chaude isolante compressible
- Chaussures de randonnée rodées (jamais de chaussures neuves !)
- Chaussettes techniques anti-ampoules (j’en prends trois paires)
- Bâtons de marche télescopiques
- Gourde ou poche à eau de 2 litres minimum
- Trousse de premiers soins minimaliste
- Kit d’hygiène réduit
- Frontale avec piles de rechange
- Smartphone avec applications cartographiques hors-ligne
- Carte bancaire et espèces (certains refuges n’acceptent pas les paiements électroniques)
Mon astuce personnelle : des sur-chaussures imperméables ultralégers qui m’ont sauvé lors d’un orage mémorable dans la descente vers Courmayeur. Ils pèsent à peine 100g mais préservent le confort des pieds secs – élément crucial pour enchaîner les étapes.
Réservation des hébergements
Pour un Tour du Mont-Blanc en 5 jours, la planification des nuitées devient stratégique. Les refuges se réservent généralement plusieurs mois à l’avance, particulièrement pour la haute saison estivale. J’ai effectué mes réservations dès février pour un départ en juillet.
Le choix des hébergements doit s’articuler autour de la logique de parcours. Ma stratégie fut de privilégier le confort nocturne pour maximiser la récupération. Ainsi, j’ai alterné refuges de montagne authentiques et gîtes plus confortables dans les vallées, notamment à Courmayeur où une vraie douche et un lit douillet ont revitalisé mon corps à mi-parcours.
Liste des hébergements que j’ai personnellement testés et approuvés :
- Nuit 1 : Refuge de Nant Borrant (Les Contamines)
- Nuit 2 : Hôtel Edelweiss à Courmayeur
- Nuit 3 : Auberge des Glaciers à La Fouly
- Nuit 4 : Refuge du Col de Balme (frontière franco-suisse)
Un conseil précieux : contactez directement les hébergements par téléphone plutôt que par email. Cette approche personnalisée m’a permis d’obtenir des conseils précieux sur les itinéraires et même une chambre « normalement complète » à Courmayeur.
Jour 1 : Les Houches – Les Contamines, l’entrée en matière

Le départ stratégique aux aurores
Premier jour, première décision cruciale : partir tôt, très tôt. Mon réveil a sonné à 5h00 pour un démarrage effectif à 6h15 depuis le télécabine de Bellevue aux Houches. Cette stratégie présente plusieurs avantages déterminants : profiter de la fraîcheur matinale pour l’ascension initiale, éviter l’affluence sur les sentiers, et surtout se ménager une marge temporelle confortable. Le téléphérique de Bellevue ouvre généralement ses portes dès 7h30 en haute saison. Personnellement, j’ai préféré monter à pied pour m’échauffer progressivement et économiser quelques euros. La montée raide à travers la forêt réveille efficacement les muscles encore engourdis. Les premiers rayons du soleil filtrant à travers les sapins créent une ambiance magique qui justifie pleinement ce départ à l’aube. Arrivé au sommet de Bellevue (1800m), le massif du Mont-Blanc se dévoile dans toute sa splendeur. Ce premier panorama grandiose donne immédiatement le ton de l’aventure. Une pause photo s’impose, mais gardez à l’esprit que la journée sera longue – premier conseil de vétéran : gérez votre temps avec rigueur.
Col de Voza et descente vers les Contamines
Depuis Bellevue, le sentier serpente à travers alpages et forêts clairsemées. Le Col de Voza offre un point de vue remarquable sur la vallée de Chamonix et les Aiguilles Rouges. J’y ai croisé principalement des randonneurs « classiques » du TMB, surpris d’apprendre mon intention de rallier Les Contamines le jour même. La descente vers les Contamines-Montjoie traverse ensuite le pittoresque hameau de Bionnassay. Les chalets traditionnels savoyards aux balcons fleuris méritent qu’on ralentisse légèrement le rythme. L’itinéraire longe ensuite le torrent éponyme, occasion idéale pour remplir les gourdes d’une eau fraîche et pure. Un passage par Notre-Dame de la Gorge s’impose. Cette chapelle baroque du XVIIe siècle, nichée au fond de la vallée des Contamines, constitue un joyau patrimonial. L’architecture sobre mais élégante contraste magnifiquement avec la végétation luxuriante environnante. J’y ai fait une halte méditative de vingt minutes, ressourcement mental bienvenu avant d’attaquer la partie plus exigeante de l’étape.
L’ascension vers le refuge de Nant Borrant
L’après-midi débute par un changement radical de rythme. Le sentier qui s’élève vers Nant Borrant devient nettement plus technique. Les premiers signes de fatigue apparaissent généralement dans cette section, d’où l’importance d’avoir bien géré son effort depuis le matin. Le passage du Pont Romain, vestige historique d’une ancienne voie commerciale vers l’Italie, marque le début de l’ascension sérieuse. Les lacets serrés imposent une cadence régulière et contrôlée. Ma technique personnelle : compter vingt pas, reprendre son souffle trois secondes, puis repartir. Ce rythme mécanique permet de progresser efficacement sans s’épuiser prématurément. L’arrivée au Refuge de Nant Borrant (1459m) constitue l’apothéose de cette première journée. Ce refuge authentique, géré par la même famille depuis trois générations, offre un accueil chaleureux et une cuisine montagnarde roborative. La spécialité maison – tartiflette revisitée aux cèpes sauvages – a parfaitement reconstitué mes réserves énergétiques. Premier bilan après cette journée initiale : 20 kilomètres parcourus, environ 1200 mètres de dénivelé positif et 800 de négatif. Les muscles protestent légèrement mais la satisfaction prédomine. Le premier jour constitue souvent le plus difficile psychologiquement – le corps s’adapte étonnamment vite dès le lendemain.
Jour 2 : Les Contamines – Courmayeur, la traversée alpine

L’ascension matinale vers le Col du Bonhomme
Le réveil sonne à 5h30, tandis que les premières lueurs de l’aube teintent à peine les sommets environnants. Cette deuxième journée s’annonce comme la plus exigeante du périple avec près de 30 kilomètres et un dénivelé positif conséquent. Un petit-déjeuner copieux s’impose – les refuges proposent généralement des formules adaptées aux randonneurs avec céréales, fromages locaux et confitures artisanales. Le sentier quitte Nant Borrant en douceur, traversant d’abord des alpages où paissent quelques vaches tarines à la robe acajou caractéristique. Puis la pente s’accentue progressivement vers le Col du Bonhomme (2329m). Cette ascension de près de 900 mètres de dénivelé se déroule dans un décor minéral de plus en plus marqué. L’approche finale du col offre un spectacle fascinant : immenses éboulis, blocs erratiques aux formes tourmentées et premières plaques de neige persistantes même en plein été. La température chute sensiblement, souvent de 10 à 15 degrés par rapport à la vallée. Ma doudoune légère, compressée au fond du sac depuis la veille, trouve enfin son utilité. Atteindre le col provoque invariablement un sentiment d’accomplissement. Les photographies peinent à capturer l’immensité du panorama qui s’ouvre soudainement. Le massif du Beaufortain s’étale à l’ouest, tandis que les sommets acérés du massif du Mont-Blanc dominent l’horizon est. Une courte pause s’impose, mais gare à l’euphorie : nous ne sommes qu’au tiers de l’étape journalière.
De la Croix du Bonhomme à la frontière italienne
Du Col du Bonhomme, l’itinéraire oblique vers la Croix du Bonhomme (2483m), point culminant de la journée. Ce tronçon relativement court mais technique serpente à flanc de montagne sur un sentier parfois étroit. Les bâtons de marche deviennent ici particulièrement précieux pour maintenir l’équilibre, surtout avec un sac à dos qui perturbe légèrement le centre de gravité. La descente qui suit vers le refuge des Mottets dévoile un paysage radicalement différent. La végétation réapparaît progressivement, d’abord sous forme de lichens et mousses résilientes, puis de rhododendrons dont les fleurs roses éclatantes (en début d’été) contrastent magnifiquement avec le gris des rochers. Cette section présente plusieurs passages équipés de chaînes ou de marches taillées dans la roche – concentration requise, particulièrement en cas de terrain humide. Au refuge des Mottets, traditionnelle halte de mi-journée. La soupe au chaudron servie en terrasse reconstitue parfaitement les réserves énergétiques avant d’attaquer la seconde ascension majeure de la journée : le Col de la Seigne (2516m). Ce col historique marque la frontière franco-italienne et représente un lieu de passage millénaire entre les deux versants des Alpes. L’approche du col serpente dans un vallon sauvage où les marmottes abondent. Leur sifflement caractéristique accompagne fréquemment la progression du randonneur. Ma rencontre impromptue avec un bouquetin solitaire à moins de dix mètres reste gravée parmi mes souvenirs les plus précieux. Sa nonchalance face à ma présence témoignait d’une cohabitation paisible entre humains et faune sauvage dans ce sanctuaire naturel.
Descente sur Courmayeur et premières saveurs italiennes
Le passage du Col de la Seigne offre un contraste saisissant. Le versant italien présente des pentes plus douces, où les alpages verdoyants remplacent les escarpements rocheux du côté français. Le changement de pays se ressent immédiatement dans l’architecture des refuges, les panneaux indicateurs et bien sûr la langue parlée sur les sentiers. La descente vers le Val Veny déroule un panorama extraordinaire sur le versant sud du Mont-Blanc, rarement visible depuis la France. Cette face moins photographiée dévoile des glaciers impressionnants comme le Miage et le Brenva. L’itinéraire passe à proximité du Rifugio Elisabetta, bâtisse de pierre typiquement italienne où un expresso serré redonne un coup de fouet bienvenu aux jambes fatiguées. La vallée s’élargit progressivement, offrant une progression plus douce mais plus longue. Cette section peut sembler interminable en fin de journée, mais les vues constamment renouvelées sur les sommets environnants nourrissent la motivation. Le chemin traverse plusieurs torrents alimentés par la fonte des glaciers – leur couleur laiteuse caractéristique témoigne des sédiments glaciaires en suspension. Les derniers kilomètres vers Courmayeur s’effectuent sur une route forestière en pente douce. Les premières villas cossues de la périphérie annoncent l’approche de cette élégante station alpine italienne. Courmayeur représente l’étape la plus urbaine et confortable du parcours, offrant une parenthèse civilisée bienvenue après deux journées d’immersion sauvage. L’arrivée au centre-ville vers 18h30 permet de profiter pleinement des charmes italiens : douche revigorante à l’hôtel, puis déambulation dans les ruelles animées où les boutiques de montagne côtoient les gelaterie artisanales. Le dîner dans une trattoria typique constitue la récompense parfaite – les pâtes fraîches aux cèpes et le tiramisu maison effacent instantanément les 30 kilomètres d’efforts de la journée.
Jour 3 : Courmayeur – La Fouly, entre Italie et Suisse

Le Val Ferret italien sous les premiers rayons
Après une nuit réparatrice dans le confort relatif d’un vrai lit, le départ matinal depuis Courmayeur s’impose comme une évidence. Quitter la ville endormie à 6h00 présente un charme particulier – seuls quelques cafés ouvrent leurs portes pour les ouvriers et les randonneurs déterminés. Un cappuccino crémeux et un cornetto constituent mon petit-déjeuner rituel avant de reprendre le chemin. L’itinéraire remonte d’abord vers Arnouva à travers le Val Ferret italien, vallée parallèle au massif du Mont-Blanc offrant des perspectives spectaculaires sur des sommets moins connus mais tout aussi impressionnants : les Grandes Jorasses, l’Aiguille de Triolet et le Grand Golliaz. La progression matinale dans cette vallée présente un caractère presque méditatif – le sentier relativement plat permet d’adopter un rythme régulier tout en contemplant les jeux de lumière sur les parois rocheuses. Le hameau d’Arnouva marque le début d’une section plus sportive. Le sentier s’élève progressivement à travers des pâturages d’altitude où les troupeaux de vaches valdôtaines paissent tranquillement, leurs cloches créant une ambiance sonore caractéristique des Alpes. Ces prairies fleuries en début d’été regorgent d’espèces botaniques remarquables – edelweiss pour les chanceux, gentianes bleues et arnicas dorées plus communément.
Le Grand Col Ferret, porte d’entrée en Suisse
L’approche du Grand Col Ferret (2537m) constitue l’effort principal de la journée. Les dernières centaines de mètres d’ascension s’effectuent dans un environnement de plus en plus minéral, où les affleurements rocheux remplacent progressivement la végétation. Cette progression vers le point culminant du jour offre l’occasion parfaite pour observer les chamois qui fréquentent habituellement ces hauteurs. Franchir le col marque simultanément l’entrée en territoire helvétique et un changement radical de paysage. Le versant suisse présente des pentes plus douces, des alpages impeccablement entretenus et une organisation territoriale caractéristique de la précision suisse. Les panneaux jaunes remplacent les balises rouge et blanc italiennes, les prix affichés dans les refuges passent en francs suisses, et même l’architecture des chalets témoigne du franchissement d’une frontière culturelle. La vue depuis le col mérite amplement l’effort consenti. La vallée suisse s’étend à perte de vue, encadrée par des sommets moins écrasants que le Mont-Blanc mais tout aussi majestueux dans leur élégance alpine. Les glaciers du Dolent et de l’A Neuve scintillent sous le soleil, leurs séracs bleutés contrastant avec le vert intense des pâturages en contrebas.
Descente bucolique vers La Fouly
La descente vers La Fouly traverse plusieurs niveaux de végétation distinctifs. D’abord les pelouses alpines clairsemées, puis une zone de transition où les premiers arbustes – genévriers et rhododendrons principalement – forment des îlots verdoyants. Plus bas, la forêt de conifères offre une ombre bienvenue après les sections exposées du col. L’itinéraire croise plusieurs fermes d’alpage traditionnelles où la fabrication du fromage s’effectue encore selon des méthodes ancestrales. Une halte à l’Alpage de La Peule s’impose presque naturellement – leur sérac frais accompagné de myrtilles sauvages constitue une collation parfaitement adaptée aux besoins nutritionnels du randonneur. Les derniers kilomètres vers La Fouly suivent le cours d’eau principal de la vallée, offrant plusieurs spots rafraîchissants où tremper ses pieds meurtris après près de 25 kilomètres de marche. Cette petite station de montagne suisse, authentique et préservée du tourisme de masse, dégage un charme particulier avec ses chalets traditionnels aux balcons fleuris et son ambiance paisible. L’Auberge des Glaciers, mon hébergement pour la nuit, illustre parfaitement l’hospitalité suisse – propreté irréprochable, efficacité discrète et cuisine montagnarde savoureuse. La rösti traditionnelle garnie de fromage d’alpage local et d’œuf constitue le carburant idéal pour reconstituer les réserves énergétiques avant l’étape du lendemain. Ce troisième jour, légèrement moins exigeant techniquement que le précédent, permet de trouver un certain rythme de croisière. Le corps commence à s’adapter à l’effort quotidien répété, et l’esprit savoure pleinement l’immersion dans des paysages constamment renouvelés. Mi-parcours franchi, la fatigue s’installe certes, mais la motivation reste intacte grâce à la diversité des territoires traversés.
Jour 4 : La Fouly – Trient/Champex, l’étape suisse

Traversée des villages suisses pittoresques
Le quatrième jour démarre sous le signe de la douceur helvétique. Au départ de La Fouly vers 7h00, le sentier longe le cours d’eau principal de la vallée, offrant une mise en jambes progressive. Cette section initiale traverse une succession de villages valaisans authentiques dont l’architecture typique – chalets en bois sombre aux fondations en pierre, toits à forte pente et balcons fleuris – compose un tableau pittoresque digne des plus belles cartes postales suisses. Praz-de-Fort, Issert, Les Arlaches… Chaque hameau possède son caractère propre tout en partageant cette atmosphère paisible caractéristique du Val Ferret suisse. La progression s’effectue sur des chemins impeccablement entretenus, alternant entre petites routes goudronnées et sentiers forestiers bien balisés. Cette relative facilité technique permet d’apprécier pleinement les détails du paysage environnant. La vallée s’élargit progressivement, dévoilant des prairies verdoyantes où paissent les vaches de la race d’Hérens, connues pour leurs combats rituels déterminant la hiérarchie du troupeau. Les cloches des bovins créent une ambiance sonore typique qui accompagne agréablement la marche. J’ai eu la chance d’observer un troupeau descendant d’alpage, les bêtes décorées de couronnes de fleurs selon la tradition locale – spectacle folklorique authentique loin des mises en scène touristiques.
L’ascension vers Champex-Lac et sa perle alpine
Après environ 10 kilomètres de progression relativement plane, le chemin bifurque et commence à s’élever plus sérieusement vers Champex-Lac. Cette montée de près de 600 mètres de dénivelé s’effectue principalement en forêt, offrant une ombre bienvenue durant les heures les plus chaudes. Le sentier alterne entre passages techniques sur racines et sections plus douces en lacets réguliers. L’arrivée à Champex-Lac (1470m) vers midi marque un moment privilégié du parcours. Ce joyau alpin niché autour d’un lac naturel aux eaux cristallines mérite amplement sa réputation. Les reflets des montagnes environnantes dans les eaux calmes créent un tableau naturel d’une perfection presque irréelle. J’ai fait une halte prolongée sur la terrasse d’un café en bordure du lac, savourant une assiette valaisanne accompagnée d’un verre de Fendant local – plaisir gastronomique simple mais parfaitement adapté au contexte. Champex constitue également un carrefour d’itinéraires offrant deux options pour la suite du TMB : la variante classique par Bovine (plus directe mais plus technique) ou l’alternative par la Fenêtre d’Arpette (plus alpine et exigeante). Ayant opté pour l’itinéraire direct en raison des contraintes temporelles du format 5 jours, j’ai repris le chemin après cette pause substantielle.
L’alpage de Bovine et descente sur Trient
Le sentier quittant Champex s’enfonce d’abord dans une forêt d’épicéas centenaires dont les troncs moussus et le sol tapissé de myrtilliers créent une ambiance presque enchantée. Progressivement, la végétation s’éclaircit pour céder la place aux premiers alpages. La montée vers Bovine (1987m) offre un dénivelé modéré mais constant qui met à l’épreuve des jambes déjà sollicitées par trois jours d’efforts. L’alpage de Bovine lui-même constitue une halte incontournable. Cette exploitation traditionnelle propose une restauration simple mais authentique dans un cadre grandiose. La terrasse rustique offre une vue plongeante sur la vallée du Rhône et les montagnes valaisannes. J’y ai dégusté une tarte aux myrtilles maison accompagnée d’un café préparé à l’ancienne – petit luxe bienvenu à mi-parcours de cette quatrième étape. Le panorama depuis Bovine permet d’embrasser d’un regard l’itinéraire parcouru les jours précédents et d’anticiper celui du lendemain. Cette perspective globale procure une satisfaction particulière, celle de visualiser concrètement le chemin accompli autour du massif. La descente vers Trient s’engage ensuite par un sentier forestier aux lacets serrés. Cette section technique sollicite particulièrement les genoux et les quadriceps. Les bâtons de marche deviennent ici précieux pour soulager les articulations et maintenir l’équilibre sur les passages caillouteux. La végétation évolue progressivement, les épicéas cédant la place aux feuillus à mesure que l’altitude diminue. L’arrivée dans la vallée de Trient marque l’approche de la frontière franco-suisse. Ce petit village dominé par son église à la façade rose caractéristique offre un cadre paisible pour la dernière nuit en territoire helvétique. Le glacier du Trient, visible depuis le village malgré son recul inquiétant ces dernières décennies, rappelle la proximité constante de l’univers glaciaire tout au long du TMB. L’auberge du village, simple mais confortable, propose une cuisine réconfortante parfaitement adaptée aux besoins caloriques des randonneurs. La fondue traditionnelle partagée avec d’autres marcheurs du TMB a créé une ambiance conviviale propice aux échanges d’expériences et de conseils pour l’ultime étape du lendemain. Cette quatrième journée totalise environ 25 kilomètres pour un dénivelé positif d’environ 800 mètres. Moins exigeante techniquement que les précédentes, elle permet néanmoins de savourer pleinement l’essence du territoire suisse traversé, entre traditions alpines préservées et paysages bucoliques d’une harmonie parfaite.
Jour 5 : Trient/Champex – Chamonix, le retour triomphal

Le Col de Balme et le retour en France
Le dernier jour démarre dans une ambiance particulière, mélange d’excitation à l’idée de boucler ce périple exceptionnel et de légère nostalgie anticipée. Au départ de Trient, le ciel encore étoilé à 5h30 laisse progressivement place aux premières lueurs de l’aube. Cette ultime étape commence immédiatement par une ascension soutenue vers le Col de Balme (2191m), frontière naturelle entre la Suisse et la France. Le sentier s’élève rapidement à travers une forêt mixte dont les essences évoluent avec l’altitude. Les hêtres et érables des parties basses cèdent progressivement la place aux mélèzes et pins cembros plus adaptés aux conditions d’altitude. Cette progression végétale raconte silencieusement l’histoire naturelle de ces montagnes façonnées par des millénaires d’adaptation. La sortie de la zone forestière dévoile des alpages d’altitude où paissent quelques troupeaux de moutons surveillés par des patous imposants. Ces chiens de protection méritent un respect particulier – j’ai scrupuleusement suivi les recommandations de contournement large des troupeaux, évitant ainsi toute confrontation inutile avec ces gardiens territoriaux. L’approche finale du Col de Balme s’effectue sur une crête exposée offrant des vues spectaculaires tant sur la vallée suisse quittée que sur le versant français qui m’attend. Le refuge du col, bâtisse robuste perchée exactement sur la frontière, propose un dernier chocolat chaud helvétique avant de retrouver le territoire français. Sa terrasse strategiquement orientée offre une vue imprenable sur l’objectif final : Chamonix et la vallée de l’Arve qui s’étendent en contrebas.
Le balcon face au Mont-Blanc
La suite de l’itinéraire constitue sans doute la section la plus spectaculaire du Tour complet. Le sentier suit désormais un balcon naturel qui surplombe la vallée de Chamonix tout en faisant face au massif du Mont-Blanc dans toute sa splendeur. Cette position privilégiée offre des perspectives photographiques exceptionnelles sur les principaux sommets et glaciers du massif. L’Aiguille Verte, les Drus, les Grandes Jorasses et bien sûr le Mont-Blanc lui-même composent un panorama d’une beauté saisissante. Les glaciers de la Mer de Glace, d’Argentière et du Tour dévoilent leurs séracs scintillants sous le soleil matinal. Cette confrontation directe avec la haute montagne, après quatre jours de progression autour du massif, procure un sentiment d’accomplissement particulier. Le chemin longe ensuite plusieurs remontées mécaniques du domaine de Balme avant d’atteindre le Col des Posettes. Cette section présente un dénivelé modéré permettant d’apprécier pleinement le paysage tout en préservant des jambes déjà largement sollicitées par les jours précédents. La flore alpine y est particulièrement diversifiée, notamment en début d’été où lis martagon, gentianes et orchis vanillé colorent les pentes herbeuses.
La descente finale vers Chamonix
L’approche de Chamonix commence véritablement à partir du hameau du Tour. Le sentier rejoint progressivement des zones plus fréquentées, marquant le retour vers la civilisation après des jours d’immersion en pleine nature. Cette transition progressive permet de se réacclimater en douceur au rythme urbain qui m’attend. La descente finale s’effectue par un sentier forestier aux pentes douces traversant successivement les villages d’Argentière, des Praz et des Bois. Chacune de ces localités possède son caractère propre tout en partageant cette architecture typiquement chamoniarde mêlant tradition savoyarde et influences alpines plus larges. Les derniers kilomètres longent l’Arve, rivière tumultueuse alimentée par les glaciers environnants. Son eau laiteuse caractéristique témoigne de l’érosion glaciaire intense qui façonne continuellement ce paysage. Traverser les quartiers périphériques de Chamonix provoque un sentiment étrange – retrouver des rues, des commerces et la foule estivale après des jours de relative solitude en montagne. L’arrivée sur la place centrale de Chamonix marque officiellement la fin de cette aventure extraordinaire. J’ai choisi de conclure symboliquement ce périple au pied de la statue d’Horace-Bénédict de Saussure et Jacques Balmat, pionniers de la première ascension du Mont-Blanc en 1786. Ce moment chargé d’émotion mérite une célébration à la hauteur de l’accomplissement : une bière artisanale locale sur une terrasse ensoleillée, face au toit de l’Europe que je viens de circumnaviguer à pied. Cette ultime étape totalise environ 25 kilomètres pour un dénivelé positif d’environ 1000 mètres et 1500 mètres de descente. Les sensations mêlées de fatigue physique et d’euphorie mentale créent un état particulier, presque méditatif, parfaitement adapté pour intégrer l’expérience vécue ces cinq derniers jours.
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Conseils pratiques pour optimiser l’expérience
Gestion de l’effort sur cinq jours intensifs
Condenser le Tour du Mont-Blanc en cinq jours exige une approche méthodique de la gestion énergétique. L’erreur fatale consiste à partir trop vite, emporté par l’enthousiasme et la fraîcheur du premier jour. Ma stratégie personnelle repose sur un principe simple : maintenir une allure modérée mais constante, particulièrement dans les montées. La technique de la « marche afghane » s’avère particulièrement efficace sur ce format intensif. Cette approche synchronise respiration et pas selon un rythme précis (généralement trois pas pour une inspiration, trois pas pour une expiration). J’ai personnellement adapté cette méthode en y ajoutant des micro-pauses régulières – trente secondes toutes les vingt minutes d’ascension – pour maintenir un niveau d’effort aérobie optimal. L’alimentation joue également un rôle crucial dans la gestion énergétique. J’ai opté pour des collations fréquentes plutôt que trois repas massifs – une barre céréalière ou quelques fruits secs toutes les heures maintiennent la glycémie stable tout au long de la journée. Cette approche évite les coups de pompe digestifs souvent observés après un déjeuner copieux. La récupération nocturne constitue le troisième pilier de cette gestion efficace. Priorité absolue : s’endormir tôt (idéalement avant 21h30) pour maximiser les heures de sommeil. Mes rituels personnels incluent des étirements légers centrés sur les muscles principalement sollicités (quadriceps, ischio-jambiers, mollets) et l’application systématique d’huile essentielle de menthe poivrée diluée sur les zones sensibles pour réduire l’inflammation.
Ravitaillement et points d’eau stratégiques
Sur un format condensé, chaque détail logistique compte double. La gestion de l’approvisionnement en eau représente un enjeu particulier, notamment lors des sections d’altitude où les sources se raréfient. Ma règle empirique : ne jamais descendre sous 1,5 litre de réserve, particulièrement sur les tronçons exposés au soleil. Le Tour du Mont-Blanc offre heureusement de nombreux points de ravitaillement naturels – torrents et sources – dont la potabilité varie selon l’altitude et la proximité des zones pastorales. Au-dessus de 2000 mètres, l’eau courante présente généralement peu de risques, mais j’ai néanmoins systématiquement utilisé des comprimés purificateurs par précaution, particulièrement sur le versant italien où certains alpages se situent à haute altitude. Les refuges et buvettes d’altitude jalonnent également le parcours, offrant des possibilités de ravitaillement alimentaire. Cependant, leurs horaires d’ouverture peuvent varier significativement, notamment en début et fin de saison. Mon carnet de route incluait systématiquement ces informations cruciales pour éviter les mauvaises surprises. Les ravitaillements plus conséquents s’effectuent naturellement dans les vallées principales – Contamines, Courmayeur, Champex – où l’offre commerciale permet de reconstituer les stocks énergétiques. La question monétaire mérite également attention sur ce tour trinational. Bien que les cartes bancaires soient acceptées dans la plupart des établissements, j’ai toujours conservé une réserve d’espèces en euros et francs suisses pour les situations imprévues. Certains refuges isolés, particulièrement sur le versant italien, fonctionnent encore exclusivement en liquide.
Sécurité en montagne et anticipation des imprévus
Même condensé en cinq jours, le Tour du Mont-Blanc reste une aventure alpine exigeant une préparation sérieuse en matière de sécurité. Ma trousse de premiers secours minimaliste incluait uniquement l’essentiel : pansements spécifiques pour ampoules (type Compeed), antalgiques, antiseptique, bande élastique cohésive, couverture de survie ultraléger et sifflet. La météo constitue potentiellement le facteur perturbateur principal sur ce type de parcours. Les applications spécialisées en prévisions montagnardes comme Météo-Ciel ou Meteoblue offrent des données fiables, mais j’ai systématiquement complété ces informations par les conseils des gardiens de refuge, dont la connaissance empirique des conditions locales s’avère souvent plus pertinente que les modèles numériques. La question des communications d’urgence mérite une attention particulière. La couverture réseau mobile reste inégale sur le parcours, avec des zones blanches significatives notamment dans certaines vallées encaissées ou cols isolés. Mon téléphone restait systématiquement en mode avion avec la fonction GPS active pour préserver la batterie, complété par une batterie externe légère assurant au moins deux recharges complètes. Les numéros d’urgence varient selon le pays traversé – 112 (général), 118 (secours en montagne italien) ou 144 (secours suisse). Ces coordonnées essentielles figuraient en évidence dans mon téléphone et sous forme papier dans mon portefeuille étanche. En complément, l’application GendLoc, permettant aux secours de localiser précisément un appelant même sans couverture data, occupait une place privilégiée sur l’écran d’accueil de mon smartphone. La préparation mentale face aux imprévus constitue peut-être l’élément de sécurité le plus important. Chaque matin, j’identifiais mentalement les points de repli possibles en cas de problème sur l’itinéraire du jour – villages accessibles par des chemins secondaires, refuges intermédiaires non prévus initialement, ou possibilités de transport public dans les vallées principales.