
Cette station de ski française ferme définitivement : les habitants votent la fin d’une époque
Dans l’histoire du ski français, 30 juin 2025 restera une date charnière. Pour la première fois, les habitants d’une commune ont démocratiquement choisi de mettre fin à l’activité de ski alpin de leur station. Avec 50,1% des voix, Allos et sa station du Seignus actent une mutation sans précédent dans le paysage montagnard français.
Cette décision, prise à l’issue d’une consultation citoyenne inédite, révèle les profondes mutations que traverse le monde de la montagne. Entre réchauffement climatique, difficultés économiques et quête de nouveaux modèles durables, l’exemple d’Allos préfigure-t-il l’avenir de nombreuses stations de moyenne montagne ?
Un référendum historique aux enjeux cruciaux

La démocratie participative au cœur de l’avenir montagnard
La consultation organisée du 4 au 28 juin 2025 constitue un précédent démocratique majeur dans l’histoire des stations de ski françaises. Plus de 1 300 habitants ont été appelés à trancher sur l’avenir de leur territoire, une démarche participative rare dans un secteur traditionnellement dirigé par les élus et les exploitants.
Cette approche témoigne d’une nouvelle gouvernance montagnarde où les populations locales reprennent la main sur leur destin. Face aux défis climatiques et économiques, la légitimité démocratique devient un préalable indispensable aux transformations territoriales.
Le processus allonnais inspire déjà d’autres communes confrontées aux mêmes dilemmes. Cette démocratisation des choix territoriaux marque une évolution fondamentale dans la gestion des espaces montagnards.
Trois scénarios pour un territoire en mutation
Les options soumises au vote reflétaient parfaitement les tensions contemporaines du monde de la montagne. Le premier scénario, maintien du ski sans diversification avec hausse fiscale de 30-35%, incarnait la résistance au changement au prix d’un effort financier considérable.
Le deuxième, modèle hybride avec augmentation modérée des impôts de 10-15%, représentait une transition progressive préservant partiellement l’existant tout en s’adaptant aux nouvelles réalités.
Le troisième, choisi par cette courte majorité, privilégie une rupture assumée vers un nouveau modèle montagnard, conservant uniquement le bike park estival et développant des activités alternatives sans impact fiscal.
| Scénario | Résultat | Impact fiscal |
|---|---|---|
| Fin du ski alpin | 50,1% | Aucune hausse |
| Maintien pur et dur | 36,6% | +30-35% |
| Modèle hybride | 12,6% | +10-15% |
Les raisons d’une décision douloureuse mais nécessaire
Une équation économique devenue intenable
Derrière ce vote se cache une réalité financière implacable. Avec un déficit de 688 000 euros, la régie du Seignus illustre parfaitement la crise que traversent de nombreuses stations de moyenne montagne françaises. Cette situation n’est pas isolée : elle reflète les difficultés structurelles du modèle économique traditionnel.
Les coûts d’entretien des remontées mécaniques représentent un gouffre financier pour des stations aux saisons de plus en plus courtes et incertaines. Les investissements nécessaires à la modernisation des équipements dépassent souvent les capacités des petites communes.
Cette équation impossible pousse de nombreuses stations vers des choix drastiques. Allos assume publiquement ce que d’autres vivent dans l’ombre : l’impossibilité de maintenir un modèle économique obsolète.
Le réchauffement climatique, facteur déterminant
Au-delà des aspects purement financiers, le changement climatique constitue le facteur déterminant de cette transition. La station du Seignus, située en moyenne montagne, subit de plein fouet les effets du réchauffement avec des saisons raccourcies et un enneigement naturel de plus en plus aléatoire.
Cette vulnérabilité climatique rend les investissements dans la neige artificielle économiquement risqués. Pourquoi investir massivement dans des équipements dont la rentabilité future devient hypothétique ?
L’exemple d’Allos illustre l’adaptation nécessaire des territoires de montagne face aux nouvelles contraintes climatiques. Cette mutation, douloureuse mais inévitable, préfigure les évolutions que devront connaître de nombreuses stations similaires.
Une transition progressive vers un nouveau modèle

Éviter la « décision brutale »
Malgré la clarté du vote, le maire Michel Lantelme insiste sur l’approche progressive et réfléchie qui guidera cette transition. « Pas de décision brutale », affirme-t-il, prévoyant une finalisation du processus « dans trois-quatre ans ».
Cette temporalité permet d’accompagner les mutations économiques et sociales que nécessite un tel changement. Les emplois liés au ski, les commerces dépendants de cette activité, l’ensemble de l’écosystème local doivent être repensés progressivement.
La saison 2025-26 se déroulera normalement, offrant une période de transition pour expérimenter de nouveaux modèles et préparer les reconversions nécessaires. Cette approche mesurée évite les traumatismes sociaux tout en maintenant le cap de la transformation.
Vers un tourisme de montagne réinventé
Le maintien du bike park estival et le développement d’activités alternatives dessinent les contours d’un nouveau modèle touristique. Cette orientation vers les activités quatre saisons correspond aux attentes d’une clientèle de plus en plus sensible aux enjeux environnementaux.
La randonnée, l’escalade, les sports de nature, l’agrotourisme constituent autant de leviers de développement alternatifs au ski alpin. Ces activités, moins dépendantes des conditions climatiques, offrent une plus grande résilience face aux aléas météorologiques.
Cette transition s’inscrit dans une démarche de durabilité qui pourrait séduire une nouvelle clientèle en quête d’authenticité et de respect environnemental. L’avenir montagnard se dessine peut-être dans cette sobriété assumée.
Résistances et espoirs : une communauté divisée

La mobilisation des irréductibles du ski
Si la majorité a tranché, une forte minorité refuse cette évolution. Sur les réseaux sociaux, les appels à la mobilisation se multiplient pour « sauver le Seignus ». Stéphanie Blanc lance un appel vibrant : « À nous de faire pencher la balance financière en achetant le forfait saison ! »
Cette résistance témoigne de l’attachement émotionnel profond qui lie les populations montagnardes au ski. Au-delà de l’activité économique, c’est toute une identité territoriale qui se trouve questionnée par cette mutation.
Sylvain Gény, directeur de la régie, mise sur cette mobilisation tout en préparant l’accompagnement des équipes vers de nouvelles perspectives. Cette dualité entre espoir et réalisme caractérise parfaitement l’ambiance actuelle.
L’accompagnement institutionnel de la mutation
La présidente du Conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence, Éliane Barreille, a assuré que le département accompagnerait ce virage avec les moyens techniques et financiers nécessaires. Cet engagement institutionnel facilite la acceptation locale de cette transition.
Cette promesse d’accompagnement s’avère cruciale pour la réussite de la mutation territoriale. Sans soutien externe, les communes isolées peinent à financer les reconversions économiques nécessaires.
L’exemple d’Allos pourrait ainsi devenir un laboratoire de la transition montagnarde, expérimentant de nouveaux modèles avec l’appui des collectivités territoriales.
| Défis | Opportunités | Solutions |
|---|---|---|
| Reconversion emplois | Tourisme 4 saisons | Formation professionnelle |
| Baisse fréquentation | Nouvelle clientèle éco-responsable | Diversification activités |
| Identité territoriale | Innovation montagnarde | Nouveau récit territorial |
| Équipements existants | Reconversion infrastructures | Accompagnement public |
